Informatique

  • Darmanin apprenti sorcier

    Manif spref 20230201

    Mercredi 1er février, avait lieu devant la sous-préfecture d’Antony un rassemblement protestant contre les conditions de traitement des demandes de titres de séjours pour les étrangers. J’y étais. Le sous-préfet a reçu une délégation des organisateurs (Ligue des droits de l’homme, Réseau éducation sans frontières, Cimade) (voir Le Parisien du 2 février) qui lui a exposé notamment les difficultés d’accès à l’outil informatique pour obtenir simplement un rendez-vous. Aujourd’hui 5 février, parait un décret créant un autre système d’information, destiné à gérer les demandes de naturalisation, préparé sous l’égide du ministre de l’intérieur Darmanin. Ce système intitulé Natali (un prénom féminin, un hasard ?) a été examiné par la CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés), son rapport est publié aussi. Et qu’y lit-on ? Tout simplement que cette application informatique a été « expérimentée » depuis le 5 aout 2021 dans 23 départements, sans que la CNIL ait été saisie ! La CNIL s’indigne un peu et « rappelle qu'il n'existe pas de régime dérogatoire dédié aux expérimentations [et] que la réglementation relative à la protection des données à caractère personnel a vocation à s'appliquer à tout traitement de données à caractère personnel ».

    Un ministre chargé d’appliquer la loi mais qui la méprise, quelle exemplarité !

  • Enquête de police

    Avez-vous vu sur les panneaux officiels de votre ville l’affiche qui vous incite à donner votre avis sur « la qualité du lien entre la population et les forces de sécurité intérieure » ? Voilà une enquête d’actualité brulante : entre le fameux article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale, qui punit de prison le fait de diffuser sans le flouter le visage ou le matricule d’un policier en service, et la flambée des violences policières, notamment contre des personnes des minorités visibles, tout le monde devrait avoir un avis…

    L’affiche présente l’enquête comme « scientifique indépendante », « simple et rapide », réalisée sur Internet avec « un anonymat garanti ». D’ailleurs, quand on se connecte sur le site Internet dédié (www.eqp20.fr), l’enquête est présentée comme réalisée par l’Université Savoie Mont Blanc. Il suffit d’imprimer un formulaire, d’y inscrire son adresse électronique et de déposer ce questionnaire… au commissariat de police le plus proche !

    Du coup, l’indépendance de l’enquête, son caractère scientifique et l’anonymat me semblent plutôt incertains.

    Je vous expose les démarches que j’ai entreprises pour me rassurer :

    Je consulte le site Internet de l’Université Savoie Mont Blanc : aucune mention de cette enquête sur la page d’accueil.

    J’envoie au centre de recherche en droit de l’Université un mail où je m’étonne de certains aspects méthodologiques (représentativité statistique de l’échantillon par rapport à la population générale non validée, biais de sélection ?) et juridiques (autorisation de la CNIL pour une collecte d’adresses e-mail par la police ?).

    Le centre de recherche en droit me répond rapidement et aimablement qu’ils ne sont pas à l’origine de cette enquête et qu’il s’agit d’un projet de sociologie, a priori terminé.

    Les sociologues de l’Université me précisent peu après qu’il s’agit d’une enquête où « les forces de sécurité intérieure [sont] associées à la démarche », qu’elle vise à « obtenir le plus de réponses possibles », qu’elle « satisfait bien entendu aux règles de la RGPD édictées par la CNIL ».

    Donc, il s’agit d’une enquête « indépendante » où les résultats seront exploités par des policiers. L’anonymat des participants est « garanti » mais leur adresse e-mail passera par le service de police le plus proche. L’enquête satisfait aux exigences « de la RGPD édictées par la CNIL » bien que le RGPD (règlement général sur la protection des données) soit issu du Parlement européen et pas de la CNIL. Il s’agit d’une enquête « scientifique » où l’objectif avoué est d’avoir le plus de réponses possibles sans que l’aspect qualité et représentativité des données ne soit même évoqué.

    Vous trouvez ça rassurant ?

    09/12/20

    Mots-clés : Police, Démocratie, Informatique, Sociologie