République

  • Les hochets du Président

    Depuis longtemps, la question de l’attribution de la Légion d’honneur entraine des débats. Le principe est qu’il faut des « mérites éminents » pour être décoré et des « mérites nouveaux » pour être promu. Mais le caractère utilitaire de cette décoration a été reconnu par son créateur lui-même : « C’est avec des hochets que l’on mène les hommes » disait Napoléon Bonaparte. Pour éluder la question, les impétrants ont rivalisé de formules : « La Légion d’honneur, ça ne se demande pas, ça ne se refuse pas, ça ne se porte pas » selon François Mauriac - « ça ne se commente pas » ajoutait Jean d’Ormesson pour enfoncer le clou. Certains journalistes, avocats, artistes, universitaires…, soucieux de leur indépendance la refusèrent (« ce n’est pas le tout de la refuser, encore faut-il ne pas la mériter » ajoutait Erik Satie) mais d’autres l’acceptent. Pour preuve de la possibilité de son influence, la loi interdit que les parlementaires puissent la recevoir mais ils sont nombreux à être repêchés une fois redevenus simples élus locaux… Bref, dans l’esprit de celui qui l’accorde et dans celui de ceux qui la recherchent ou l’obtiennent, difficile de ne pas voir des tentations voire des tentatives de remerciement, d’accommodation, de perche à saisir…

    Cet été déjà, la promotion « à titre exceptionnel » au grade d’officier de la Légion d’honneur d’un chirurgien esthétique de l’hôpital américain de Neuilly avait déjà été remarquée et certains avaient attribué cette distinction au fait que ce praticien avait opéré Brigitte Macron quelque temps auparavant.

    Pour la promotion du Nouvel an 2024, on relève d’autres attributions singulières. Ainsi le multimilliardaire Bernard Arnault est-il élevé à la « dignité » suprême de grand-croix : est-ce le capitaine d’industrie (qui a pourtant délocalisé une partie de sa production au Texas) ou le soutien du candidat Emmanuel Macron en 2017 qui a été récompensé ? Pour David de Rothschild, promu grand officier, qui dirigea la banque qui a nourri le banquier d’affaires Emmanuel Macron de 2008 à 2012, impossible de ne pas penser à un renvoi d’ascenseur.

    D’ailleurs, cet entre-soi protecteur que le suzerain accorde à ses obligés peut persister, si tel est son bon plaisir, même en cas de défaillance du vassal : « la Légion d'honneur est un ordre qui n'est pas là pour faire la morale » a édicté récemment le grand-maître Emmanuel Macron en rejetant l’idée de retirer sa décoration à Gérard Depardieu alors qu’il l’avait fait pour Harvey Weinstein. C’est mes jouets et mes copains, je fais comme je veux, na !

  • Conseil municipal : focus sur... (2)

    Le conseil municipal d’Antony se tient en principe tous les deux mois. L’ordre du jour est fixé par le maire, il comporte plusieurs dizaines de délibérations sur des projets de décisions. Chacune est présentée par un élu de la majorité, qu’on appelle le rapporteur. Les élus des minorités posent des questions, demandent des éclaircissements, expliquent pourquoi ils sont d’accord ou pas sur la décision proposée. Puis le conseil municipal vote et on passe au point suivant. Ce processus emmène l’assemblée jusque tard dans la nuit… Les enregistrements vidéo des réunions sont accessibles sur le site de la mairie (Vidéos du Conseil municipal | Ville d'Antony (ville-antony.fr)). 

    Pour chaque réunion du Conseil, je donnerai ici un coup de projecteur sur un des sujets qui auront été traités.

    Pour ce mois de février 2023, le focus sera sur : le budget participatif.

    En 2019, la ville d’Antony  a créé un budget participatif qui permet aux habitants de proposer des investissements d’intérêt général. Une délibération a eu lieu sur l’édition 2023, je suis intervenu à ce sujet et j’ai exposé ce qui suit.

    « A Antony Terre Citoyenne, nous sommes attachés à l’idée du budget participatif. Plusieurs d’entre nous ont participé aux précédentes éditions et ont vu certains de leurs projets retenus par le vote populaire et d’autres, comme l’affichage de la devise de la République sur ce bâtiment, retoqués par la commission de censure – pardon – de présélection.  Nous avons vu au fil des ans quelques évolutions. Cette année, on note un changement de système de vote avec la suppression des votes contre un projet, mais, corrélativement, l’apparition d’un veto des riverains.

    French motto liberte egalite fraternite on a brickwall

    On touche ici à la limite de l’exercice, la navigation entre deux modes de participation citoyenne à la vie publique : une participation proactive, force de proposition et une participation réactive, pouvant s’opposer à des projets jugés inadaptés. Je me garderai bien de jeter l’opprobre sur l’une ou l’autre, je pratique les deux. Mais enfin, il faudra bien à un moment donné déterminer comment l’avis des riverains sera recueilli. Hier soir à la commission, j’ai appris que les riverains de la rue où j’habite étaient contre un projet d’aménagement de la voirie. Pourtant, on ne m’a jamais demandé mon avis à ce propos… Il faudra donc trouver un moyen de confronter les projets retenus à l’avis du voisinage en prenant en compte tous les avis et pas seulement les rejets spontanés : un conseil de quartier par exemple ? Il faudra aussi garder à l’esprit que la rue, pas plus que le parc Heller par exemple, n’appartient pas seulement à ses riverains mais aussi à ceux qui y passent et convoquer la notion d’intérêt général. Dans cette optique, nous pensons que le budget participatif ne devrait pas concerner les travaux de voirie ou de sécurité, ceux-ci devant rester d’initiative de la mairie.

    Pour nous, le budget participatif devrait être un démonstrateur de faisabilité d’idées nouvelles que la mairie s’approprierait ensuite en les déployant largement si cela apparaissait pertinent. Je pense par exemple à un de mes sujets favoris, les toilettes publiques : retenues lors de la première édition du budget participatif, elles n’ont été concrétisées qu’en un seul édicule au parc Heller. Heureusement qu’entre temps la RATP ait été à l’écoute de ses usagers et qu’elle ait, elle, compris le besoin !...»