Mohican : le combat continue

On ne devrait pas lire un roman qui se déroule dans un lieu que l’on connait bien. Ou alors, s’attendre à devoir s’y reprendre à deux fois. C’est ce que j’ai fait. Le cadre de Mohican, c’est une exploitation agricole du Jura. A la première lecture, le petit-fils d’un berger de Gillois, le propriétaire d’un pré-bois au-dessus de la vallée du Drouvenant, l’apiculteur que je suis, s’est laissé prendre par une analyse quasi-policière du contexte : la description du froid hivernal évoquait le Haut-Jura mais la parcelle de vigne ne permettait pas d’aller plus haut que le premier plateau ; l’auteur a semé au gré des pages des indices contradictoires, le Hérisson, le Massacre, le Revermont, les rues de Dôle et de Lons… Evidemment, ce lieu n’existe pas : « Pas à côté de Dampierre ou de Mont-sous-Vaudrey. A côté de rien ».  

Donc deuxième découverte du livre. Des chapitres courts qui s’enchainent comme dans un scénario de film. On est frappé par la justesse des situations : la Franche-Comté éternelle - de Charles Quint aux maquis de Romans-Petit -, la vie des paysans isolés, la sortie du paradigme productiviste et de celui du patriarcat, la perte du fait religieux, l’universalité des relations entre l’Homme et la Nature (des Highlands écossais aux Premières nations des Rocheuses) sont évoquées sans forcer le trait. Et aussi, de manière un peu plus appuyée certes, la mise en lumière de la vanité du postulat de la vertu écologique des éoliennes. Les dégâts environnementaux et humains de ces machines sont en effet le fil rouge de l’histoire. La démonstration est d’autant plus efficace qu’elle amène naturellement à vérifier aux bonnes sources le bruit et la hauteur des engins, l’épaisseur des socles de béton, la mortalité induite sur les migrateurs, les incertitudes sur l’élimination des déchets des aérogénérateurs. Et la vérité est dure…

En résumé, l’histoire du combat d’un paysan écolo, berné par une industrie trompeuse. La bonne nouvelle est que le combat n’est pas terminé.

Eric Fottorino. Mohican. Gallimard, 2021. ISBN 978-2-07-294174-0, 275 p., 19,5 €.